jeudi 14 mars 2013

TRISTE MONDE TRAGIQUE

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22 février 2010

La "Bouffe"


Pourquoi je ne mange pas ? Ce n’est pas par souci esthétique, ce n'est pas une histoire de régime bidule chouette. Ce qui m'empêche de manger c'est la peur d'être contaminé par la dégénérescence de ce Monde. Je sais, c'est complètement irrationnel. Je vous préviens, il s'agit ici de ma subjectivité.

J'aime la nourriture, la vraie. Celle qui pousse dans de la vraie terre et que l'on doit chasser et parfois se blesser pour la capturer et la manger. La tomate du jardin fait partie de cette nourriture vraie. J'aime la sensation de la peau lisse et rouge qui cède sous le tranchant des incisives et des canines. Le jus se répand dans la bouche, sous la langue comme de l’eau parfumée à la Terre. Un peu acide et acre, parfois sucré. La chair est ferme et lisse contre la langue, quand elle arrive sous les molaires, elle lâche encore du jus, cette fois-ci, mélangé à des petits bouts de chair broyée et spongieuse. Mâche, mâche, le goût se répand dans la bouche, le jus enveloppe la langue, des petits bouts de chair se coince entre votre joue et votre gencive au niveau des molaires, des petits bouts de peau lisse se collent à vos incisives et à vos canines.

Jusque-là tout va bien. Mais lorsque je lève les yeux de mon plant de tomate et que je vois le rapport à la bouffe des autres... Je panique, m'angoisse et je deviens incapable de m'alimenter.

Il y a trop de gens qui me font flipper lorsque je les regarde manger. D'abord ce qu'ils mangent me fait flipper : à savoir des tas de trucs suintant d'huile, de sucre raffiné, de sel et contaminés à toutes sortes de produits chimiques et antibiotiques... Toute la bouffe qui vient de l'industrie me fait flipper, j'imagine les pauvres volailles élevées en batterie, comme des objets, complètement dégénérées à force de tri génétique, de médocs en tout genre et de mauvais traitements pour finir en nuggets que des parents vont donner à manger à leurs gosses, c'est une vision d'épouvante illustrant la dégénérescence qui a tout envahi ! Le bœuf, le porc et tout les autres... J'en ai des sueurs froides rien que d'imaginer le cocktail de souffrance, de radicaux libres, de produits chimiques et de saloperies en tout genre contenues dans un seul nugget. Les gens ne sont pas débiles au point de l'ignorer. Il suffit de connecter deux neurones pour faire ce constat, puis faire une petite recherche sur le net pour voir sa réflexion validée par les faits. Et c'est le point qui précisément me fait flipper, les gens le savent, mais ils s'en foutent. Ça ne va pas plus loin que ça.

Quand j'étais gosse, je jouais dans le poulailler de ma mémé. Ses poules étaient grosses, rousses, j'adorais leur courir après. Le dimanche, ma mémé en choppait une, elle mettait ses deux pieds sur chaque aile du volatile, une assiette sous son cou et elle l'égorgeait. J'ai l'image des canards décapités dont les pattes continuaient de bouger encore sous l'effet d'un ordre donné par le cerveau : fuir. Puis elle les ébouillantaient et ma mère et mes tantes les plumaient, parfois en nous obligeant à participer. Ensuite on les faisait cuire pour les manger. J'ai eu la chance de savoir que la viande provient d'un être vivant. Qu'il faut l'attraper et le tuer pour le manger. Je suis effaré car nombre de gosses l'ignorent et ils se permettent de jeter leurs nuggets comme des jouets sous les yeux admiratifs de leurs crétins de parents. Si ce n'était que ça... J'ai sais aussi comment sont élevés les êtres vivants avec lesquels ont fait des nuggets. D'ailleurs, ils ne sont pas élevés. Ils sont « produits », tout est dit.

Il faut que la nourriture soit facile d’accès et molle, qu’elle suscite le moins d’effort en mastication possible et que son goût soit neutralisé. Neutralisé comme dans neutre. Les seules saveurs plébiscitées, sont celles qui nous rendent dépendants et assurent le renouvellement de notre consommation: le sucre et le salé.

Rassurez-vous, je ne vous fais pas un trip politico-bio correct. Je m’en tape de tout ça. Je vous dis simplement pourquoi je ne mange pas.

Quand je regarde ces gens manger un hamburger en trois bouchées je suis littéralement scotché par le dégoût. Incapable de m’alimenter… C’est répugnant. Le hamburger et l’aliment de dégénéré par excellence. Mou, sucré et gras. Nos mâchoires deviennent de plus en plus petites et fragiles, nous ne mangeons plus que de « la bouffe » : accessible sans le moindre effort, facile à mâcher et à avaler.

Les gens qui disent ne pas aimer les poissons à cause des arrêtes me font flipper. Ils veulent pouvoir engloutir vite, sans faire l'effort de mâcher doucement. J'ai même entendu d'autres me dire qu'ils n'aiment manger que les filets de viande car ils n'aiment pas qu'il y ait des os, des veines, bref, toutes traces de vie... Ils veulent manger un produit et qu'on ne viennent par leur dire que ce produit est issu d'un être vivant. Et que devient le reste ? Les parties trop dures, avec trop d'os de veines et de peau ? La masse dégénérée s'en moque. Ça peut bien finir à la poubelle, ce n'est pas leur problème. Les gens me font flipper.
 
Ils n’imaginent même pas que ce comportement qu’ils appellent leurs « préférences », ou leur « goût » est en fait l’expression de leur dégénérescence. Et ils rigolent bêtement lorsque vous leur dites que la mâchoire humaine est aussi faite pour arracher de la viande crue à un os et mastiquer des racines. On est civilisé, moderne aujourd’hui… De mon point de vu ? Dégénéré.

Un fruit c’est chiant à manger. Il faut croquer dedans. Si c’est une pomme, il faut la mastiquer pour pouvoir l’avaler. C’est granuleux, tout en substance. C’est souvent plus acide que sucré. Voilà pourquoi les dégénérés de la bouffe accros au mou, au sucre et au gras préfèrent de loin un bon pot de glace, un soda où une énième pâtisserie bien ruisselante de beurre. Si ça n'était qu'occasionnel... Mais cela se répète trop souvent tout au long de la journée, accompagné de chips et de toutes les autres saloperies que notre bonne société nous donnent à manger dans des emballages criards pour bien capter notre attention.

Mon corps est vide, parfaitement propre de toutes ces saloperies pleines de mayonnaise et de produit chimiques. Et vous êtes là, avec vos corps déformés au point parfois de vous faire ressembler à des bébés géants potelés et mous… Vous me jugez. Vous me dites que je dois manger… Mais je ne veux pas vous ressembler.

Je suis moi-même dégénéré par ce Monde. Je devrais parcourir la Terre, user mon corps dans la quête de la nourriture, du territoire comme le font les autres animaux. Mais je suis né au sein de cette espèce damnée. J’ai parfois l’impression que l’animal que j’ai été prend trop de place dans ma tête et je n’arrive pas à y entrer tous ces trucs d’humains. Comme les leçons que je me tue à apprendre par cœur pour les recracher en examens. Il n’y a de la place que pour une seule chose dans ma tête : je veux que mon cœur batte la chamade comme un fou. Je veux fonctionner à l’adrénaline. Où trouver l’adrénaline dans ce Monde ? Les études m’emmerdent. Les gens me font flipper, tout est payant. Tout est bloqué par des formulaires,  des papiers, des routes, des chiffres… Je voudrais être un animal. Je serai pur et j’ignorerai tous les vices qu’entraîne l’intelligence.

Et je n’aurai pas à rester enfermé pendant des heures dans ma chambre, à me perdre dans mon Univers… Parce que la Réalité m’emmerde.   

Je suis conscient que mon corps est fait pour parcourir des kilomètres de marche. Pour transpirer, construire, se défendre, aimer, agresser et crever. Mais courir n’a aucun sens dans ce monde-ci. Il y a des barrières partout, on est comme un hamster dans sa roue… La pierre est payante, je ne peux pas m’en payer pour construire. Une entité de papiers, de bureaux, de délais, de démarches a le monopole de l’auto-défense. On n’aime plus, on consomme. Un type appui sur un bouton et rase une ville entière. Et quand vous crevez, vu qu’on est 7 milliards, tout le monde s’en fout.

Je ne peux pas courir, construire, me défendre par moi-même, aimer, agresser qui je veux en revanche, je peux crever comme je le veux. C’est ce qu’il me reste de pur et d’innocent.

C’est pour ça que je voudrais être un animal. Sans intelligence, sans vices. Les animaux vont au Paradis. Pas les humains.
Quand je vois les requins que l’on pêche juste pour leur couper les ailerons et qu’on rejette à la mer encore vivants, je fonds en larmes devant la télé. Je deviens un requin sans ailerons et je vais crever comme ça. Je meurs à l’intérieur de moi-même. Trop peu de gens pleurent à cette pensée et je les hais pour ça, d’être si insensibles et si peu concernés… De me regarder avec cette expression genre « gamin hyper émotif attardé en vue ! ». Le monde m'effraie.

Le Monde me trouve pathétique, pitoyable et insignifiant. Je lui rends la pareille, je le trouve dégénéré.

Les condors en fin de vie, fatigués et de plus en plus faibles, ne trouvent pas de sens à continuer de vivre. Ils volent le plus haut possible. Jusqu’à ce que l’air se raréfie, le froid se glisse entre leurs plumes, engourdit leurs ailes épuisées, mais ils continuent de voler, le plus haut possible, jusqu’à ce que leur corps ait atteint le point de non retour. Et ils continuent encore à monter. Que vont-ils voir là-haut ? Le Monde. Ils vous voir le Monde. Et ils se laissent tomber.

Je veux être un animal. Je veux être une baleine, un requin, un condor. Et je veux prendre mon dernier envol.

1 commentaire:

  1. ça y est, tu as encore réussit a me faire venir les larmes. Évidemment sur cette dernière phrase, cruelle de vérité. Putain qu'est ce que je rêve d'un saut dans le vide pour les dernières secondes de ma vie.
    C'est criant de vérité; cette vision des autres, de leur rapport a la nourriture, de leur folie furieuse de se croire au dessus de ce qui leur est nécessaire pour continuer d'exister.
    Il parait que nous n'avons pas évoluer biologiquement, mais que nous avons évoluer culturellement. Ces deux principes entrent donc en conflit bien souvent tout au long de notre vie. Parce que ceux qui sont aux commandes choisissent d'anéantir l'être primitif qu'il y a en eux ? Mais putain, comment se sortir de ce bourbier de merde. Quand tu vois toute la route qu'il a parcourir, tu as juste envie de dire merde et partir t'enterrer!

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